Windstruck, Kwak Jae-yong (2004)

Ressassée Girl

Windstruck

Note : 3 sur 5.

Titre original : Nae yeojachingureul sogae habnida

Année : 2004

Réalisation : Kwak Jae-yong

Dans Windstruck, Kwak Jae-young oublie le cœur de ce qui faisait le succès de My Sassy Girl : le mélange de genres. C’est assez casse-gueule, il faut de l’audace, et un vrai savoir-faire dans la mise en proportion de chacun des éléments. Et quand ça marche, ça fait souvent mouche. Quand on essaie, sans maîtrise, ça fait plutôt pschitt.

Or, ici, on n’a rien de plus qu’un film sentimentaliste. Il y a bien sûr des passages comiques, il en faut bien dans ce genre de films, mais c’est loin des scènes déjantées, burlesques de My Sassy Girl. Le petit côté Et si c’était vrai ou Ghost qui pue le gnangnan.

Et puis en voyant cette fin, on se rend compte que dans My Sassy Girl, ce n’était pas seulement la fille qui faisait la réussite du film, mais bien également l’acteur, qui n’a rien (tout comme elle, c’est le moins qu’on puisse dire, pourtant, c’est la même actrice) d’un personnage de mélo. Il avait la tête dans la lune, pas franchement beau, et avait l’air toujours étonné voire stupide. C’est ce qui était rafraîchissant et original dans ce film… Là, on dirait que ça a été passé au broyeur du politiquement correct.

Windstruck, Kwak Jae-yong (2004) | Edko Films, Surprises Ltd., i Film Co. Ltd

Même la fille paraît moins jolie. Quand elle est triste, on se met à remarquer le petit grain de beauté qu’elle a sur le nez et ça la fait loucher ─ et nous aussi (on lorgne son visage tour à tour souriant et timide, faussement méchant et franchement ému mais pas mièvre, de My Sassy Girl). Or, à l’instar d’un film comme Love Exposure, ou d’un manga comme GTO, ce qui plaît, c’est le côté rock’n’roll, potache, voire franchement décérébré, excessif, ou obsessionnel des personnages. Des personnages qui seraient insupportables dans la vraie vie, mais qui parce qu’ils représentent des monstres, des bêtes curieuses au cinéma, sont plaisants à voir évoluer. On ne sait jamais ce qu’ils iront inventer encore de stupide. Le contrepoint parfait à toute la guimauve habituelle d’un mélo.

Le fait d’en faire une policière n’est pas une bonne idée. Un peu ton sur ton. Kwak Jae-young voulait sans doute faire un hommage à son personnage de Sassy Girl en reprenant son côté autoritaire et insolent, mais justement, elle y perd tout son charme. On pouvait y croire parce qu’elle était fragilisée dans My Sassy Girl, au bord de la rupture ; et cette agressivité était compréhensible. Comme un appel à l’aide. Une nouvelle fois, la clé devait être ici dans le mélange des genres. Faire d’un flic un personnage autoritaire, où est l’audace ? Où est le relief ? Il n’a retenu du premier, formidable mélo, que la fille avait une certaine autorité, mais qu’elle était aussi vulgaire.

Kwak Jae-young a trop bien entendu les critiques. Et à mon sens, elles n’étaient pas légitimes. Preuve sans doute que ce premier opus était un de ces films à succès qui doivent tout au hasard. Une alchimie sans contrôle. En entendant les critiques, Kwak Jae-young n’a pas saisi ce qui faisait le charme de son film pour ceux qui n’émettaient aucune critique à son égard. Les excès étaient une force, un exutoire cathartique. Ce qu’on se refuse à faire ou à admirer dans la vraie vie, on se plaisait à le voir. Mieux, quand on commence une relation de la pire des manières, on ne peut tomber plus bas, et le film ne cessait d’élever son niveau, et notre plaisir avec, jusqu’à ce final inattendu. C’est une chose bien connue : les liens ne se resserrent jamais que dans les situations les plus extrêmes. Je ne dis pas que chacun rêve de tomber sur une fille lui ayant vomi dessus et passant les premières heures à meugler, mais au moins au cinéma, si on arrive à ne pas rendre antipathique les personnages, si on arrive à mettre en évidence une faille qui déclenchera notre pitié ou notre sympathie, tout le reste quand il faudra remonter la pente, n’est que du bonheur. Parce qu’on a déjà vu les personnages dans les pires situations possibles, et c’est en général ce qui nous permet de nous attacher à eux. Quand on donne au contraire tous les éléments en main au spectateur dès le début, quand les situations sont presque statiques, que les personnages sont rigides et sans faille, sans défaut, on peine à trouver du plaisir.

Dans Sassy Girl, le rapport ambigu entre les deux personnages (ensemble sans être ensemble) apportait un plus dans le développement du récit. Il y avait comme un suspense, une attente. On cherchait à comprendre ce qui pouvait clocher maintenant qu’ils semblaient sortir de ce début épouvantable. Or dans ce « Wind-suck », au bout d’un quart d’heure, ils sont ensemble… Ça tue toute magie.

Le mélange de genres, je l’ai déjà dit, est assez casse-gueule. Un film burlesque sentimental, ça peut passer, parce que ce n’est que le grossissement de quelque chose qui existe déjà (la comédie sentimentale — dont la screwball était déjà une variante poussée). Mais le polar sentimental ?… Rien que de le dire, ça fait sourire. Le grand écart est trop grand.

Le fait de vouloir faire sans cesse référence à My Sassy Girl, c’est déjà un aveu d’échec. Ça expose à des critiques comme celle-ci. C’est déjà dire qu’il ne fera pas mieux. Un film de fan qui ne parvient pas à s’émanciper de l’influence de son grand frère… De fan oui. Un peu comme l’enfant qui produit malgré lui un lazzi qui fait sourire les adultes, et qui s’amuse, sans pourtant comprendre les raisons de cet amusement, à reproduire ce lazzi à l’infini en espérant contenter les adultes. On a aimé ce que j’ai fait, je n’ai aucune idée de ce que ça peut être, mais puisque ça a plu, je vais le reproduire… Oui allez, au pot Jae-Jae ! (c’est d’ailleurs ce qu’il semble avoir fait avec ses autres films…)



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