Mon ami Ivan Lapshin, Aleksey German (1985)

Ma bobine se dévide

Moy drug Ivan Lapshin

Note : 3 sur 5.

Mon ami Ivan Lapshin

Titre original : Moy drug Ivan Lapshin

Année : 1985

Réalisation : Aleksey German

Avec : Andrei Boltnev, Nina Ruslanova, Andrey Mironov

Il faut reconnaître à German un réel talent pour la mise en place, la composition des images et des scènes, la direction d’acteurs, mais c’est à peu près tout ce qu’il a à proposer. L’essentiel paraît un peu vain, inutile ou incompréhensible derrière l’habilité affichée dont German veut en permanence faire preuve dans ses films. Quand l’effet produit une certaine distanciation, le procédé peut alors être intéressant ; le problème, c’est que pour entamer une mise à distance du sujet, il faut l’avoir déjà compris et en saisir tous les enjeux. C’était aussi le grand défaut d’Il est difficile d’être un dieu.

Chaque spectateur a sans doute plus ou moins besoin de se laisser mener par la main ; moi, j’ai besoin d’être accompagné tout de même un moment, et si l’introduction ne m’éveille rien, si je me perds déjà, il est probable que je n’adhère jamais au film. Il me restera alors la possibilité de m’émerveiller face à ce savoir-faire, assez commun chez les Russes, en particulier quand il est question de créer des personnages avec leur vie propre, montrer une psychologie à travers un simple geste, ne pas s’y attarder et proposer en permanence quelque chose de nouveau au regard du spectateur… C’est fascinant, certes, reste que German soigne l’artifice plutôt que l’essentiel.

On pourrait se contenter de cette histoire comme une chronique, une simple évocation d’une période (les années 30 en Union soviétique, le bonheur des appartements collectifs, les purges, les troupes d’acteurs, les amours contrariés), mais même là, j’aurais du mal à m’en satisfaire. Il manque pour moi quelque chose. On n’est pas au même niveau d’Il est difficile d’être un dieu, qui en plus d’être inintéressant était d’une laideur coupable (de mémoire, La Vérification possédait les mêmes défauts). Et les mêmes maigres qualités.

Avec des scènes plus condensées, jouant beaucoup plus sur les évocations, le montage, on se prendrait presque à rêver voir un film de Tarkovski (celui du Miroir, la poésie en moins), seulement German fait un peu du ton sur ton quand il se regarde opérer magistralement des plans-séquences, et il ne fait que répéter des séquences qui, prises séparément, n’ont pas plus d’intérêt que le reste. C’est bien orchestré, mais il manquera toujours un petit quelque chose pour me satisfaire. La séquence d’introduction (un plan-séquence, forcément) laissait présager le meilleur, et puis tout s’effrite lentement, ou se vide, comme une bouteille renversée. Arrivés à la fin, on a vu le contenu se déverser, de loin, avec désintérêt, à ne pas savoir si c’était du vin, de la vodka ou de l’eau. Et au fond, on s’en fout.


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