In a Heartbeat (2017)

Pontage coronarien

In a Heartbeat Année : 2017

Réalisation :

Beth David et Esteban Bravo

2/10  
 

Petite leçon sur l’art par Douglas Sirk (celui dont les mélodrames acidulés se passaient de petits cœurs animés et des caricatures antipathiques) :

 

Raconter une histoire, ce n’est pas faire de la politique. Exemple parfait donc en quatre minutes de ce qu’il ne faut pas faire en matière d’art (en matière publicitaire, c’est parfait). In a Heartbeat, c’est encore l’illustration de ce qu’est la pollution dans « l’art » du politiquement correct,

L’art n’est pas un prospectus publicitaire. Il se montrera peut-être efficace en termes de propagande pour prêcher des convaincus, se donner bonne conscience une fois que la guerre sera finie ou sur le point de l’être, comme d’autres changent de camp à la fin des guerres pour être toujours du côté des vainqueurs. Parce qu’on ne défend pas (réellement) une cause (qu’elle nous soit personnelle ou qu’on croit juste, peu importe) en prenant l’art comme moyen de lutte idéologique.

Certains films de propagande sont amusants à voir cinquante ans après, on rira peut-être de celui-là, un jour. En attendant, c’est du terrorisme, de la dictature, pro-LGBT, comme il y a des terroristes de la bonne conscience gauchiste, antiraciste, féministe, végétaliste. Qu’importe la cause. Aucune cause n’est juste quand on choisit l’art comme étendard. “Nous” et “eux”, les “bons”, et les “méchants”. Si « tu n’es pas avec nous, tu es fasciste, intolérant, or whatever ». Ben non, comme dirait Douglas Sirk, il faut faire confiance à l’intelligence et à l’imagination du spectateur, pas se faire le reflet de la bonne conscience d’une époque. Une œuvre d’art questionne, pose parfois certains constats mais jamais n’y répond, met en lumière les contradictions des discours, la difficulté de tenir une idéologie, bref, met sous le feu des projecteurs tous nos petits travers, les dilemmes de nos basses existences, nos nécessaires imperfections, avec parfois des morales qui s’imposent pour chaque spectateur mais que jamais l’œuvre ou son auteur n’auront cherché à imposer, sinon en lui faisant croire.

Seules la propagande et la publicité brossent le spectateur dans le sens du poil, définissent des archétypes manichéens pour nous plonger dans un monde simplifié, rassurant, où nous n’aurions plus à réfléchir, à forcer notre intelligence.

Le meilleur film sur l’homosexualité ne peut être qu’un film avec des homosexuels, sans tenir de discours, sans forcer de morale. Un bon film, quand sa conclusion et sa morale paraissent évidentes, ne sert, là, que des lieux communs, mais les seuls dont l’humanité et le spectateur aient finalement besoin depuis la nuit des temps : c’est compliqué, mais il faut être tolérant, s’aimer, ne pas succomber à la facilité, etc. Et on fait tout le contraire dans ce film. Le sujet est montré de manière niaise, montre de gentils homos contre de méchants intolérants, et la facilité, c’est précisément tomber dans ce piège de l’amour idyllique contre lequel tout, et tous, s’oppose. On prend le spectateur par la main, on lui dit « nous », et on montre du doigt « eux », ceux qui ne pensent pas « comme nous ». Il n’y a aucune différence avec la haine de l’autre parce qu’il est homo, juif, petit, gros ou laid : la question est de toujours voir les choses de manière binaire et de montrer du doigt des coupables, des individus différents, des méchants.

Un film vulgaire, niais, abêtissant, faux-cul, gonflé comme un foc : le vent pile poil dans le dos et en avant toute. Pire que tout, il est inefficace comme une pub de la sécurité routière et sert ceux qui les commanditent, pas ceux qu’il est supposé défendre.

Deux films au hasard, parmi tant d’autres, à préférer à ces quatre minutes d’intolérance correcte : La Rumeur et Thé et Sympathie.

À lire également : la notion de « message invisible » dans Family Life (ainsi que son contre-exemple, au rayon « message visible et mal compris » dans Tueurs nés).


In a Heartbeat, Beth David et Esteban Bravo 2017 | DreamWorks, Imagine Entertainment, Ringling College of Art and Design