Inherent Vice, Paul Thomas Anderson (2014)

Note : 2.5 sur 5.

Inherent Vice

Année : 2014

Réalisation : Paul Thomas Anderson

Avec : Joaquin Phoenix, Josh Brolin, Owen Wilson

Quel fouillis indescriptible… J’aimerais bien dire qu’on se rapproche du Grand Sommeil, qu’à l’image de LA Confidential ou d’autres neo-noirs, on ne comprend rien, mais on s’amuse comme des fous à regarder un détective plongé dans son univers psychédélique en train d’essayer d’en pénétrer un autre pour retrouver sa belle… Sauf que PTA n’y met pas les formes, et qu’il peine à cacher la seule chose qu’on comprenne de son film : jusqu’aux acteurs, personne ne comprend de quoi il s’agit.

Quand on est spectateur et qu’on suit un film, il est accessoire de devoir comprendre en détail les implications soulevées par chaque ligne de dialogues (cf. ces derniers jours avec Spotlight ou The Big Short). Mais pour cela, il faut qu’on suspecte tout de même qu’il y a quelque chose à comprendre (faute de quoi, on tombe dans la logique Mr Nobody ou de celle de Lost…). Et pour qu’il y ait quelque chose à comprendre, encore faut-il qu’acteurs et metteur en scène comprennent ce qu’ils racontent. Quand on a un texte aussi dense, quand on est acteur, on est d’abord flatté et satisfait de voir qu’on va être au centre de l’attention quelques secondes, qu’on va être capable de montrer toute l’étendue de notre talent… Et puis ça se corse quand vient à mettre du relief au texte, lui donner une consistance et une cohérence. De ce que j’en comprends, ses lignes de dialogues, souvent de longs face-à-face parsemés de longues répliques, alternent les informations purement décoratives et les autres essentielles qui serviront à nous réorienter vers l’objet de la quête. Quand on comprend cette logique à la lecture, il faut chercher à interpréter le rôle en mettant bien l’accent sur ce qui est digressif et sur ce qui est important. Non seulement pour éclairer le spectateur, mais surtout parce que dans la vraie vie, c’est ce qu’on fait : quand on parle, on peut être amenés à faire des digressions, et puis on revient à l’essentiel en adoptant une manière de parler différente. Le problème, c’est que les acteurs de Paul Thomas Anderson sans exception jouent tout de la même manière : entre le décoratif et l’essentiel, on ne distingue rien. Et ça, c’est le signe d’un acteur qui « joue les mots », non la situation, et qui s’appuie sur eux pour laisser penser qu’il capte ce qu’il “raconte”. Mais raconter, c’est articuler une pensée, une logique parfois un peu sinueuse d’un auteur ou d’un personnage, pour éveiller l’intérêt du spectateur. Quand on raconte une histoire à un enfant, avant de comprendre les détails de celle-ci, d’en comprendre le sens de chaque mot, il comprend sa structure parce qu’en lui racontant, on structure le récit autour d’une ponctuation et d’une tonalité propres qui arrivent malgré nous (quand on comprend ce qu’on raconte) à retranscrire les évolutions du récit. Rien de ça ici, on fait semblant. Difficile dans ces conditions de se prendre au jeu : on voit des acteurs qui, eux, s’amusent à se plonger dans un univers qui ne leur est pas familier, mais qui semblent pourtant incapables d’en retranscrire les codes (c’est que c’est légèrement plus difficile que de jouer aux cow-boys et aux Indiens).

Et pire, quand PTA ou les acteurs comprennent la ponctuation du récit, ils maîtrisent mal la manière de la retranscrire dans leur jeu ou dans la réalisation. Typiquement, quand un personnage doit donner une information importante à un autre, sa tonalité change, il le fait après une petite pause, OK, sauf que le montage doit suivre. Or, PTA préfère dans ce cas passer par le jeu des acteurs plutôt que par le montage (un raccord dans l’axe, un contrechamp avec cadrage plus serré, etc.). Ce qui pourrait à la limite marcher s’il ne parasitait pas sa mise en scène d’autres effets entrant en contradiction avec le jeu de l’acteur qui ponctue, à ce moment, la “situation”. PTA brouille ainsi les pistes soit avec l’emploi d’une musique continue qui ne suivra pas la logique narrative du personnage qui ponctue autrement soit avec un mouvement de caméra continue qui neutralise ce que l’acteur peut faire, ou les deux. La cacophonie du film, elle est là aussi : les acteurs semblent raconter leur histoire (ce qu’ils en comprennent) et le réalisateur une autre. Signe que soit personne n’y comprend rien soit que le réalisateur ne s’est pas assuré que tout le monde était sur la même page…

Au passage, l’image de la femme que véhicule le film et/ou les affiches est assez agaçante. D’accord, tous les personnages sont des stéréotypes, mais c’est la répétition qui use. Au cinéma, des acteurs moches sont toujours maqués avec des filles magnifiques, et quand c’est leur corps qui est magnifique, on les fout à poil. Pour faire une affiche de film horizontale, on se sert du corps du personnage féminin du film, et quand il faut recadrer pour en faire une affiche verticale, on recadre sur le bout droit de l’affiche où on ne voit plus que les jambes. C’est d’un goût… À moins que ce ne soit que du vice…


 

 


 

 

 

 

 

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